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Apparemment, le pape François a voulu montrer, par son voyage en
Afrique, que la fraternité restait possible entre communautés chrétienne
et musulmane. Que ce soit au Kenya, en Ouganda ou en Centrafrique, le
discours du pape était parsemé de phrase fort révélatrices : "Restez
ferme dans la foi, résistez à la peur de l’autre, n’ayez pas peur". Il a
"exhorté l’église à l’unité, car la séparation des confessions
chrétiennes affaiblit leur cohésion". Il a souhaité honorer les martyrs
catholiques et anglicans, en se rendant au sanctuaire de Munyonyo, comme
il a voulu montrer que la paix pouvait revenir dans ce quartier dit du
PK-5. Une petite enclave du dernier quartier musulman de Bangui, lieu
symbolique, puisque c’est là où vivent encore des musulmans, quelques
12000 personnes, qui ne sortent plus de crainte d’être tués par des
milices chrétiennes. "Ils voulaient faire du pays un pays sans
musulmans", déclare l’EEMNI [église évangélique méthodiste Nouvelle
Internationale]. Sur la route conduisant vers ce quartier, tous les
commerces restent fermés faute de clients s’y aventurant. Tel fut le
schéma apparent, mais en réalité c’était un voyage qui visait encore
d’autres points.
Porteur d’un message de paix et de réconciliation interreligieuse, le
pape a demandé aux Centrafricains, en présence de la présidente de
transition Catherine Samba-Panza, de "Résistez à la peur de l’autre, de
ce qui n’appartient pas à notre ethnie, à nos options politiques à notre
confession religieuse". Voulant mettre fin aux violences ensanglantées
intercommunautaires qui ont déchiré le pays depuis 2013, il déclare,
ailleurs, dans la mosquée : "Chrétiens et musulmans, nous sommes frères.
Nous devons donc nous considérer comme tels, nous comporter comme tels".
S’adressant aux jeunes Centrafricains, il a même parlé d’«amour des
ennemis» !
En Ouganda, avant d’arriver à Bangui, il avait annoncé : "L’Ouganda a
vécu le témoignage des martyrs chrétiens. Qu’ils nous aident à répandre
la joie de l’Évangile sans peur ". Phrase qui semble être le leitmotiv
de son voyage et l’a placée sur son compte Twitter en disant : .@Pontifex_fr
"L’Ouganda a vécu le témoignage des martyrs chrétiens. Qu’ils nous
aident à répandre la joie de [...]", mais en s’arrêtant à joie, et en
omettant "l’Evangile sans peur" qui fut remplacé par des crochets !! Ce
qui prête à deux lectures différentes : devant les chrétiens il demande
à Dieu de l’aider à répandre l’évangile sans peur ; sur le compte
twitter que tout le monde, chrétiens et musulmans verra, il demande à
Dieu de l’aider à répandre la joie ! Puis termine en disant : "Baptisez,
ravivez chaque jour le don de l’Esprit-Saint".
Une autre phrase-clé qui a parsemé ses textes : "le dialogue œcuménique
et interreligieux n’est pas un luxe, n’est pas optionnel". Autrement dit
: obligatoire, étant un des principaux décrets de Vatican II, décrétée
avec son explication, qui désigne évangéliser le monde.
L’autre symbole fort de ce voyage est l’ouverture de la porte sainte de
la cathédrale de Bangui, geste qui marque le début du jubilé de la
Miséricorde, qui commence officiellement à Rome le 8 décembre 2015. Par
ce geste, le pape a souhaité ouvrir en Centrafrique une période de
pardon, "Que le peuple de la Centrafrique devienne le cœur du monde".
Puis, "Quiconque franchira cette porte recevra la rémission de ses
fautes", a-t-il expliqué aux 4 000 déplacés de la paroisse Saint-Sauveur
où il s’est rendu lundi. Et avant d’ouvrir la porte de la cathédrale il
précisa : "Votre vocation est d’incarner le cœur de Dieu parmi vos
concitoyens". Ainsi, "Bangui devient la capitale spirituelle du monde :
l’année de la miséricorde est pour cette terre et pour tous les autres
pays qui passent par l’épreuve de la guerre", ce qui veut dire : pour
tout le monde ! Là on ne peut que se demander : cette institution
Vaticane ne saisit-elle pas que déraciner les gens de leur croyance
suscite des animosités sans fin entre les citoyens d’un même pays ? La
réponse n’est-elle pas toute claire de par le monde ?
Les moyens de sécurité :
Jamais déplacement du pape n’avait donné lieu à des préparatifs de
sécurité aussi serrés. Des hélicoptères d’attaque patrouillaient le ciel
et les transports de troupes blindés de la force française, plus de
10900 soldats, des casques bleus marocains, des soldats français et
d’autres pays de plusieurs nationalités, 4000 de casques bleus de l’Onu,
tous étaient déployés surtout en Centrafrique, pour le protéger, devant
l’aéroport de Bangui. Un soldat de l’Onu en arme a également pris place
dans chacun des minibus affrétés pour transporter la presse. Tandis que
les troupes françaises se tenaient en alerte : la France a 900 soldats
déployés en Centrafrique, le gouvernement a mobilisé environ 500
policiers et gendarmes.
Les Casques bleus et le contingent militaire français aidaient la police
centrafricaine depuis dimanche, avant l’arrivée du pape, à quadriller la
capitale, et le dispositif sécuritaire a été renforcé sur les sites où
il se rendra, notamment l’enclave musulmane du PK-5 où se trouve la
mosquée centrale, et où il devait se rendre dans la matinée de lundi.
Malgré la pauvreté criarde, inhumaine, de ce pays, tout le chemin qu’à
emprunté le pape et son cortège, a été goudronné, pavé, nettoyé. Bien de
semaines avant son arrivée les bulldozers qui grattaient et
aplanissaient les routes défoncées et poussiéreuses de Bangui se ruaient
à embellir le chemin. Même des jeunes nettoyaient les rues, couvraient
les fossés, peinturluraient les murs décrépis, couverts de misère et de
pleurs…
La cause de cette misère est connue, mais tous ces frais qu’occasionna
ce déplacement papal et son cortège, qui l’a-t-il assumé ?!
La Centrafrique :
La Centrafrique fait partie des pays les plus pauvres de la planète.
Elle est classée 180° pays sur les 186 pays dans le monde et, depuis des
décennies, elle est en guerre génocidaire entre chrétiens et musulmans.
Des guerres qui ont fait fuir des dizaines de milliers de musulmans dans
les forêts fuyant pillages, viols et violences. Il ne reste que 12000 de
musulmans cernés dans le quartier PK5 à Bangui, isolés depuis plusieurs
mois du reste de la capitale par les milices chrétiennes qui empêchent
la population d’en sortir et bloquent son approvisionnement, au risque
de se faire tuer.
Les principales religions en République centrafricaine sont, en chiffres
ronds, les suivantes : christianisme 80 % (dont protestantisme 50 %, et
catholicisme 30 %), islam (10 %), animisme (10 %). De là il est sûrement
ridicule de dire que ces pauvres 10 % de musulmans puissent représenter
une quelconque menace pour les chrétiens, mais ils payent cher leur
résistance à la christianisation.
Même l’enseignement en République centrafricaine est calqué sur le
modèle de la France, avec des disparités, en ce qui concerne l'accès à
l'éducation selon des critères sociaux, régionaux et religieux. En
Centrafrique comme dans les autres pays africains, outre l’étape
primaire, l’enseignement est payant graduellement. La communauté
musulmane étant la plus démunie, dans la plupart des cas les parents ne
peuvent pas aborder les frais qu’occasionnent les études de leurs
enfants. Pour les chrétiens, c’est l’église qui s’en charge. Résultat :
les chrétiens ont la grande majorité des places à l’enseignement
universitaire et aux postes gouvernementaux ou privés, les musulmans ont
les travaux subalternes. Il est très courant de voir un réceptionniste à
l’hôtel ou un garçon de restaurant porter sur sa poitrine une petite
carte avec son nom : « Michel Mohammed », et lorsque vous lui demandez
par curiosité, la réponse, qu’on peut facilement imaginer, fait mal.
Le pays compte des gisements d'aluminium, de cuivre, d’or, de diamant,
d’uranium et des puits de pétrole : Un milliard de barils de pétrole
sont présents dans le pays, certains experts avancent jusqu’à 5
milliards de barils ; et environ 20.000 tonnes de réserves d'Uranium. La
production de diamants, de très bonne qualité, s'établit à environ 500
000 carats bruts par an, et met la Centrafrique en quatrième ou
cinquième place mondiale pour leur qualité. On comprend bien pourquoi la
France, colonisatrice jusqu’au bout des ongles, ne lâche pas prise de
ses colonies, malgré l’indépendance déclarée en 1960 en Centrafrique, et
continue à jouer un rôle important.
La visite du pape :
Malgré toutes les tentatives que les responsables français ont déployées
pour faire remettre ce voyage, le Vatican ou plutôt le pape insista à
l’entreprendre, nonobstant les alertes et la précarité de la situation
surtout en Centrafrique.
Outre le côté évangélisateur, le pape poursuivait le plan de
l’œcuménisme entre les églises séparées, faisait face aux évangéliques,
encourageait les adeptes à poursuivre leur participation à
l’évangélisation, calmait l’atmosphère avant les élections à Bangui, fit
de Bangui la capitale du monde pour la miséricorde, donna tout son appui
moral et religieux aux électeurs. Pour ne rien dire du côté économique
ou financier dans lesquels le Vatican a ses propres investissements.
La lecture d’un article que j’ai déjà écrit en 2009, à l’occasion d’un
Synode concernant l’Afrique, jetterait plus de lumière sur les tristes
réalités cachées de ce voyage, il avait pour titre :
L'Evangélisation et l'appauvrissement de l'Afrique !
Le lendemain du départ du pape un musulman a été tué par des hommes
armés chrétiens. Père de trois enfants, il se dirigeait à la pharmacie
leur chercher des médicaments … La leçon a été bien retenue et appliquée
!
Il semble que la dictature de l’arrogance absolue, menée par Washington,
est un sacré critère que copie le Vatican pieusement !
Zeinab Abdelaziz
Vendredi 4 décembre 2015
Lien de l’article du Synode :
http://saaid.net/daeyat/zainab/021.htm
البابا فرنسيس فى إفريقيا