|
La lettre-préface adressée par saint Jérôme, auteur de la Vulgate, au pape
Damase, au IV° siècle, préfaçant l'amalgame et la rectification des
évangiles qu'il venait de terminer, représente incontestablement un document
qui dérange, un document qui met terme à leur dite "révélation divine" ou "sacralité",
prises comme prétexte pour l'évangélisation du monde, et surtout pour
l'éradication de l'Islam et des musulmans.
Nul n'ignore combien ces textes suscitèrent de critiques et de débats, de
sorte qu'au XVI° siècle, le concile de Trente a dû mettre fin à ces
controverses et les imposa disant que : "Dieu est l'auteur unique de l'un et
de l'autre" Testament, et de terminer ce décret en précisant : "Si quelqu'un
ne reçoit pas ces livres pour sacrés et canoniques dans leur totalité, avec
toutes leurs parties, tels qu'on a coutume de les lire dans l'Eglise
catholique et qu'on les trouve dans la vieille édition de la Vulgate latine;
s'il méprise en connaissance de cause et de propos délibérée les traditions
susdites : qu'ils soit anathème" (Conciles Œcuméniques, t. II, p. 663).
Comme les débats concernant leur véracité ne cessèrent point, le I° concile
du Vatican (1869-1870) a dû "nuancer" le décret du concile de Trente, en
précisant que "Ces livres de l'Ancien et du Nouveau Testament tels qu'ils
sont énumérés dans le décret de ce concile et tels qu'on les trouve dans
l'ancienne édition latine de la Vulgate, doivent être reçus pour sacrés et
canoniques dans leur intégrité, avec toutes leurs parties (…) parce
qu'écrits sous l'inspiration du Saint-Esprit, ils ont Dieu pour auteur et
ont été transmis comme tels à l'Eglise" (id. p. 806). Puis précise dans le
canon N° 4 concernant la révélation : "Si quelqu'un ne reçoit pas les livres
de la sainte Ecriture comme sacrés et canoniques, dans leur intégrité et
avec toutes leurs parties, tels qu'ils sont énumérés par le saint concile de
Trente, ou s'il nie qu'ils soient divinement inspirés, qu'il soit anathèmes"
! (id. p. 810).
Au concile Vatican II (1965) s'opère un changement catégorique. Au chapitre
III, sous le titre concernant l'inspiration divine, on trouve : "En effet,
les livres entiers tant de l'Ancien que du Nouveau Testament, avec toutes
leurs parties, la sainte Mère Eglise, de par la foi apostolique, les tient
pour sacrés et canoniques, parce que rédigés sous l'inspiration de l'Esprit
Saint, ils ont Dieu pour auteur et qu'ils ont été transmis comme tels à
l'Eglise elle-même. Mais pour composer les Livres sacrés Dieu a choisi des
hommes, et il a eu recours à leur service dans le plein usage de leurs
facultés et de leurs forces propres, de façon à ce que, lui-même agissant en
eux et par eux, ils transmissent par écrit, en vrais auteurs, tout ce que
lui-même voulait et rien d'autre que cela. Dès lors, puisque tout ce que les
auteurs inspirés ou hagiographes affirment doit être tenu pour affirmé par
l'Esprit Saint, il faut par conséquent professer que les livres de
l'Ecriture enseignent fermement, fidèlement et sans erreur la vérité que
Dieu a voulu voir consignée dans les saintes Lettres en vue de notre salut"
(id. p. 976).
Quelques lignes plus loin on lit : "Pour découvrir l'intention des
hagiographes, il faut, entre autres choses, prendre aussi en considération
les genres littéraires". A la page suivante on trouve au canon 15 : "Bien
que ces Livres contiennent aussi des choses imparfaites et provisoires, ils
font cependant preuve d'une véritable pédagogie divine". Et à la page
suivante, canon 19, on lit la confirmation suivante : "La sainte Mère Eglise
a tenu et tient fermement et avec la plus grande constance que les quatre
Evangiles mentionnés, dont elle affirme sans hésiter l'historicité,
transmettent fidèlement ce que Jésus, le Fils de Dieu, du temps de sa vie
parmi les hommes, a réellement fait et enseigné"… Et, contrairement à
l'habitude, ce concile Vatican II ne lance point d'anathèmes !
Avant de présenter le texte-aveu de saint Jérôme, il serait utile de faire
la récapitulation des données principales de ces décrets conciliaires qui
soulignent les points suivants : de Dieu, auteur unique de l'un et de
l'autre Testament, de l'ancienne édition latine de la Vulgate, au concile de
Trente, un changement s'opère et on trouve au I° concile du Vatican qu'ils
sont écrits sous l'inspiration du Saint-Esprit, bien qu'ils aient toujours
Dieu pour auteur, mais il n'est plus "l'unique", puisque le Saint-Esprit lui
vient en aide. Pourtant, dans le dogme de la Trinité ils sont à pieds
d'égalité. Comment se fait-il donc que Dieu, auteur, reçoit l'inspiration du
Saint-Esprit, qui est censé lui être égale ?
Avec Vatican II on trouve la même constatation précédente, plus une
conjonction : Mais. Un "mais" qui laisse glisser : des hommes choisis,
auxquels Dieu a eu recours, qui transmirent, comme vrais auteurs, tout ce
que lui-même voulait et rien d'autre. Des auteurs qui sont aussi des
hagiographes, qui écrivent et enseignent fermement, fidèlement et sans
erreur la vérité que Dieu a voulu consignée dans ces Textes, qui se révèlent
être aussi "des genres littéraires" ! Le commentaire semble superflu…
C'est pourquoi il est choquant de voir le grand écart qu'il y a entre des
textes imposés pendant des siècles, avec anathèmes et autres, et ce qu'en
dit l'auteur même de la Vulgate. Ci-suit la première partie de la
lettre-préface :
" Vous voulez qu'avec les matériaux d'un ancien ouvrage j'en refasse un
nouveau; que je me pose comme arbitre dans l'examen des textes de l'Écriture
répandus dans le monde; vous voulez, en un mot, que j'explique les variantes
qu'on y trouve, et que je signale ses passages concordants avec la version
grecque la plus authentique. C'est une pieuse entreprise, mais une
présomption dangereuse que de s'établir juge des autres, quand soi-même on
doit avoir pour juge l'opinion générale; que de prétendre changer la langue
des vieillards, ramener le monde, déjà vieux, au bégaiement de l'enfance. En
effet, quel est l'homme de nos jours, savant ou non savant, qui, se décidant
à prendre en main notre ouvrage , et voyant discréditer le texte dont il se
sert habituellement et dans lequel il a appris à lire, ne se récrie aussitôt,
et ne me traite de faussaire, de sacrilège, dont l'audace impie n'a point
reculé devant des additions, des changements et des corrections à des textes
consacrés par le temps?
Contre de semblables reproches une double consolation m'est offerte; la
première, c'est que cette mission m'a été confiée par vous ; la seconde,
c'est que, d'après le témoignage même de ceux qui nous attaquent, il ne
pourrait y avoir de vérité complète dans les ouvrages où on ne peut signaler
des variantes. En effet, si nos adversaires pensent que les exemplaires
latins sont dignes de confiance, qu'ils désignent lesquels; car il existe
presque autant d'originaux que d'exemplaires. S'ils pensent, au contraire,
que la vérité ne saurait être découverte que par la comparaison des
différents textes , pourquoi trouvent-ils mauvais que j'aie la prétention de
corriger, tout en remontant aux sources grecques, les parties du texte qui
ont été ou mal comprises par des interprètes ignorants, ou tronquées, dans
de mauvaises intentions, par des correcteurs inhabiles et présomptueux, ou
surchargées d'additions et altérées par de paresseux copistes ? "
Quant un auteur avoue avoir changé la langue d'un texte discrédité,
contenant déjà des variantes, sachant qu'il sera traité de faussaire, de
sacrilège, parce que jouissant d'une audace impie qui ne l'a point fait
reculer devant les changements et les corrections qu'il a dû faire, dans les
parties du texte mal comprises, ou qui sont tronquées par les mauvaises
intentions de ceux qui les ont écrits ou copiés, et qui sont surchargés
d'aditions et altérés par de paresseux copistes, avec un aveu pareil on n'a
plus le droit d'imposer la religion qui en découle pour évangéliser le monde
! Surtout quand tous les travaux récents assurent, outre la vérité de ce que
dit saint Jérôme, un nombre inimaginable de contradictions ou
d'anachronismes historiques.
Nul n'ignore non plus, actuellement, à quel point la science de la
manipulation informatique a permis la diabolisation de l'Islam et des
musulmans, ou à quel point tous les médias ont assuré le relais aux thèses
officielles de la politique diffamatoire étasunienne et vaticane. Les
décrets de Vatican II, assurent que : "le dessein salvifique embrasse aussi
ceux qui reconnaissent le Créateur, et parmi eux, en premier lieu, les
musulmans" (id. p. 861). Pour ne rien dire du dialogue interreligieux
actuellement en cours, pris comme prétexte, pour accorder le temps
nécessaire à l'évangélisation du monde. Quant à la politique étasunienne,
après le 11 septembre, fabrication à domicile pour s'affubler d'une
légitimité internationale, personne ne l'ignore non plus.
N'est-il donc pas plus probe et plus humain de stopper l'évangélisation du
monde, qui est une des causes principales des drames qui se mènent de nos
jours ? En un temps ou l'on prône la liberté, personne n'a le droit de
déraciner l'Islam et les musulmans pour imposer une religion formée de
toutes pièces, manipulée et corrigée selon les besoins politico-vaticane à
travers les conciles, le long des siècles ! C'est une honte indescriptible
et révoltante à la fois de voir les tenants du monde civilisé, agir avec
tant de perfidie, se taire sur tant de mensonges malicieusement tissés, pour
imposer tant de fraudes ... C'est plus qu'une honte, hélas.
Ci-suit la photocopie de la lettre-préface, écrite par saint Jérôme au pape
Damase, pour quiconque aimerait vérifier le texte. Le livre se trouve à la
Bibliothèque National François Mitterrand, dans les éditions des
Bénédictines, Paris, 1693 :
