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Parler de l'Amour dans la Bible, Ancien et Nouveau Testament, c'est aborder
un sujet qui, malgré la variété des thèmes traités, mène à une grande
déception, pour ne pas dire malaise ou désillusion. Que ce soit dans l'une
ou l'autre de ses deux composantes, la Bible déçoit dans le thème de l'amour
malgré cet énoncé judéo-chrétien traditionnel disant que "Dieu est amour" !
Elle déçoit par la débauche, par le débordement, le dérèglement, les
soûleries qui frisent ou dépassent le scandale, dans l'ancien Testament ; et
elle déçoit à force de voir à quel point ce thème de l'amour a été
instrumentalisé dans le nouveau Testament. Instrumentalisé de sorte à
accréditer et maintenir l'histoire d'une légende maniée et remaniée durant
des siècles - surtout si l'on continue à croire, tel que l'Eglise l'impose,
que ce sont des paroles divines, ou même, après rectification au Concile
Vatican II, décrétant que : Dieu n'est plus l'auteur, ce sont des paroles
dictées aux apôtres par les bons soins de l'Esprit Saint ! Et d'ajouter,
comme plus d'explicitation, que chacun des apôtres a écrit de mémoire ses
propres réminiscences, d'où cette richesse de différences parmi les
évangiles, pour ne pas dires tout simplement : d'où tant de contradictions
puisque aucun d'entre eux n'a été témoins direct des évènements relatés.
L'Ancien Testament :
Avant de parler de l'amour dans l'Ancien Testament, il serait peut-être
utile de rappeler l'aspect abominable et épouvantable de la discipline
guerrière divine, pour saisir l'aspect bouleversant de la représentation
féminine et celle de l'Amour. Les quelques conseils parsemés le long du
texte, desquels sont relevées les bribes suivantes, sont fort édifiants et
n'ont de barrière ou de pendant que la limite du dérèglement et de la
débauche.
C'est un texte dans lequel des expressions comme "Aussitôt le peuple monta
vers la ville, chacun devant soi, et ils s'emparèrent de la ville. Ils
dévouèrent à l'anathème tout ce qui se trouvait dans la ville, hommes et
femmes, jeunes et vieux, jusqu'aux taureaux, aux moutons et aux ânes, les
passant au fil de l'épée"! (Josué 6 : 20-21) : ou "On brûla la ville et tout
ce qu'elle contenait, sauf l'argent, l'or et les objets de bronze et de fer
qu'on livra au trésor de la maison de Yahvé" ! (Josué 6 :24) ; ou "Maintenant,
va, frappe Amaleq, voue-le à l'anathème avec tout ce qu'il possède, sois
sans pitié pour lui, tue homes et femmes, enfants et nourrissants, bœufs et
brebis, chameaux et ânes " ! (1° Livre de Samuel 15 : 3). " Parcourez la
ville à sa suite et frappez. N'ayez pas un regard de pitié, n'épargnez pas,
vieillards, jeunes gens, vierges, enfants, femmes, tuez et exterminez tout
le monde " ! (Ezéchiel 9 :5). "Tuez donc tous les enfants mâles. Tuez aussi
toutes les femmes qui ont connu un homme en partageant sa couche. Ne laissez
la vie qu'aux petites filles qui n'ont pas partagé la couche d'un homme, et
qu'elles soient à vous " ! (Les Nombres 31 : 17-18). "Tous ceux qu'on
trouvera seront transpercés, tous ceux qu'on prendra tomberont par l'épée.
Leurs jeunes enfants seront écrasés sous leurs yeux, leurs maisons saccagées,
leurs filles violées " ! (Isaïe 13 : 15-16). On est effarouché d'apprendre
que c'est un Dieu qui parle et conseille. Mais là au moins on comprend d'où
vient ce que les sionistes, envahisseurs de la Palestine, pratiquent contre
les palestiniens, et ce que les mercenaires des GI'S mènent en Afghanistan
et en Iraq.
A ce tableau sanguinaire et révoltant, par sa barbare cruauté, correspond
celui de l'amour, un amour où l'obscénité, l'outrage à la pudeur et
l'indécence priment grossièrement, surtout lorsqu'on nous impose que ce sont
des textes révélés, que Dieu en est l'auteur. Sous le titre "Reprise du
discours paternel", on est choqué de lire ce critère de morale dans les
Proverbes :
"Viens ! Enivrons-nous d'amour jusqu'au matin ! Jouissons dans la volupté !
Car il n'y a point de mari à la maison : il est parti pour un long voyage…"
(7 : 18-20). Comme mentalité édifiante ou éducation cela étouffe tout
commentaire.
Le respect dû à la famille, bien que l'on puisse relever quelques rares bons
exemples, il suffit de lire ce qui suit pour saisir à quel point il est
dégradé, dans un style jargon, digne des bas-fonds d'une société qui semble
ne vivre que de dérèglements : "Tu es bien la fille de ta mère qui détestait
son mari et ses enfants ; tu es bien la sœur de tes sœurs qui ont détesté
leur mari et leurs enfants" (Ezéchiel, 16 : 45). Et nous passons surtout en
silence la lascivité libertine d'une Ohola et sa sœur Oholiba, qui souligne
à l'excès l'aspect peu sacralisant de ces textes…
Dans "L'Ecclésiaste", rien que par son titre, le lecteur se prépare ou
espère trouver quelques compensations, mais hélas, l'auteur trouvant qu' "il
y a un temps pour aimer et un temps pour haïr ; un temps pour la guerre et
un temps pour la paix" (3 : 8), avance que tout s'équivaut dans cette
société plongeant dans l'abus, où tout se confond, où tout s'égale
impunément : "l'homme ne connaît ni l'amour ni la haine, tous deux sont
devant lui vanité. Ainsi, tous ont un même sort, le juste et le méchant, le
bon et le mauvais, le pur et l'impur, celui qui sacrifie et celui qui ne
sacrifie pas" (9: 1). Ce qui doit donner un désespoir peu enchantant non
seulement aux adeptes !
Sensé être la personne la plus apte à donner conseil de bonne volonté et de
critère, on ne trouve dans Livre de l'Ecclésiaste que trois titres
concernant la Femme. Il commence par "la femme adultère", puis passe aux
"femmes" tout court, dans une tirade de 14 doublets, où il est question de
méchanceté, de malheur, d'adversité, l'accablant d'être un objet de colère,
de reproche et de honte, pour aboutir à une condamnation claire et nette : "C'est
par la femme que le péché a commencé et c'est à cause d'elle que tous nous
mourons" (24 : 24) ! Inutile d'ajouter que cette phrase a servi de donnée
première pour la formation du dogme du péché originel.
Non satisfait de tout ce dont il affubla la femme, il termine son recueil
avec ces trois doublets, qui résument un parti pris qui servira d'arrière
fond à la condamnation de la femme et de l'amour. Condamnation qui plane
dans le Nouveau Testament, tissant toute sa doctrine sur les points de
repère qu'il puisa dans l'Ancien, pour se donner une certaine historicité,
quitte à se contredire. Et l'Ecclésiaste de résumer sa théorie féminine en
assurant : "Devant qui que ce soit ne t'arrête pas à la beauté et ne
t'assieds pas avec les femmes. Car du vêtement sort la teigne et de la femme
une malice de femme. Mieux vaut la malice d'un homme que la bonté d'une
femme : une femme cause la honte et les reproches" (42 : 12-14).
Le Nouveau Testament :
Le thème de l'Amour dans le Nouveau Testament est présenté un peu plus
clairement sous les titres suivants : l'amour de Dieu ; l'amour réciproque
du Père et du fils ; l'amour de Dieu pour nous ; l'amour du Christ pour nous
; l'amour envers Dieu ; et l'amour envers le prochain. Tel qu'on le voit,
toutes ces désignations sont brodées de sorte à mettre en relief une
certaine optique tournant dans le cadre Père-Fils, pour étoffer un plan
déterminé.
L'amour de Dieu se trouve résumé dans ce long passage de l'Evangile selon
saint Jean "Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, puisque l'amour est
Dieu et que quiconque aime est né et connaît Dieu. Celui qui n'aime pas n'a
pas connu Dieu car Dieu est amour. En ceci s'est manifesté l'amour de Dieu
pour nous : Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde afin que nous
vivions par lui. En ceci consiste l'amour : ce n'est pas nous qui avons aimé
Dieu, mais c'est lui qui nous a aimé et qui a envoyé son Fils en victime de
propitiation pour nos péchés. Bien-aimés, si Dieu nous a ainsi aimés, nous
devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres" (J, I épître : 7-11).
De même, l'amour réciproque du Père et du Fils, se trouve chanté dans plus
d'un passage, dans les trois synoptiques, à ne citer particulièrement que la
suite du baptême de Jésus : "Ayant été baptisé, Jésus aussitôt remonta des
eaux, et voici que les cieux s'ouvrirent : il vit l'Esprit de Dieu descendre
comme une colombe et venir sur lui. Et voici qu'une voix venue des cieux
disait : "Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma faveur" (Mt., 3 :
16-17).
Tandis que Marc présente autrement la même scène : Et aussitôt, remontant de
l'eau, il vit les cieux se déchirer et l'Esprit comme une colombe descendre
vers lui, et une voix vint des cieux : "Tu es mon Fils bien-aimé, tu as ma
faveur". A noter, dans le passage de Mathieu, l'Esprit parle à l'assistance,
- si jamais assistance il y eu. Pour Marc, l'apostrophe de l'Esprit est
faite directement à Jésus.
Luc, quoique traitant du même sujet, le présente différemment : "Or il
advint, une fois que tout le peuple eut été baptisé et au moment où Jésus
lui aussi, se trouvait en prière, que le ciel s'ouvrit et l'Esprit Saint
descendit sur lui sous forme corporelle, comme une colombe. Et une voix
partit du ciel : "Tu es mon Fils ; moi, aujourd'hui je t'ai engendré"...
Même si l'apostrophe est faite directement à Jésus, ici il ne reçoit pas la
faveur de Dieu, la colombe ne vient pas se placer sur ses épaules, comme
chez les deux autres Apôtres, mais le lecteur se trouve face à une autre
donnée : Dieu vient de l'engendrer !
Inutile de dire à quel point ce verbe choque, car engendrer veut dire
procréer, donner la vie en parlant de la femme et de l'homme, c'est-à-dire :
engendrer ! Donc, Engendrer quelqu'un qui a déjà 30 ans provoque un double
étonnement, pour ne pas aller plus loin.
L'évangile selon saint Jean, parlant du même thème de l'amour réciproque du
Père et du Fils, dit : "Le Père aime le Fils et a tout remis dans sa main"
(3 : 35) ; "Car le père aime le Fils, et lui montre tout ce qu'il fait, et
il lui montrera des œuvres plus grandes que celles-ci à vous stupéfier" (5
:20) ; puis de mettre sur la langue de Jésus et lui fait dire : "Comme le
Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez en mon amour" (5 :
9-10).
L'amour de Dieu pour nous est un autre titre, que l'évangile de saint Jean
expose clairement : "Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils
unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie
éternelle. Car Dieu n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le
monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui" (3 : 16-17). Un peu plus
loin il ajoute : "Celui qui a mes commandements et qui les garde, c'est
celui-là qui m'aime ; or celui qui m'aime sera aimé de mon Père ; et je
l'aimerai et je me manifesterai à lui" (24 : 21). Et saint Jean le fait
ajouter : "Car le Père lui-même vous aime parce que vous m'aimez" (16 : 27).
Outre cet amour tripartite conditionné, il faut aimer Jésus pour être aimé
du Père, pour que Jésus non seulement rende cet amour, mais pour qu'il se
manifestera à lui. Là une certaine déception s'impose car on n'a jamais
entendu parler d'une manifestation quelconque de Jésus. Ce n'est que la
Vierge qu'on fait paraître, un peu partout dans le monde, selon les
circonstances politiques ou celles à manœuvrer pour faciliter
l'évangélisation des peuples, mais de Jésus, il n'a jamais été question. Ce
qui mène à dire que personne parmi les adeptes ne semble avoir aimé Jésus,
que le Père n'a aimé personne, et que Jésus, comme résultante de cet amour
manqué, n'a aimé personne puisqu'il ne s'est manifesté à personne.
Et pourtant demeure toujours l'espérance d'aimer et d'être aimé. C'est ce
que saint Paul assure aux Romains, en disant : "Et l'espérance ne déçoit
point, par ce que l'amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le
Saint-Esprit qui nous fut donné" (5 : 5), et d'ajouter un peu plus loin : "mais
la preuve que Dieu nous aime, c'est que le Christ, alors que nous étions
encore pécheurs, est mort pour nous" (5 :8). Phrase qui semble surmonter
toutes les difficultés de ce qui précède pour clore ce chapitre de l'amour
par la mort du Christ.
Tel qu'on le voit toute la trame de l'amour dans les évangiles est tissée
pour maintenir cette légende dorée d'un Père qui donne son Fils, par geste
expiatoire, à la mort la plus ignominieuse à l'époque : d'être accroché sur
un poteau de bois.
Demeure toutefois la célèbre phrase de Jésus condensant tout le thème de
l'amour en soi, ou celui de l'amour pour le prochain, disant qui te frappe
sur la joue droite offre lui le côté gauche… Phrase qui ne cadre point hélas
par un autre point d'orgue qui non seulement l'expédie à jamais, mais qui
lie Jésus, d'après les textes bibliques, à cette ancienne tradition
sanguinaire de ses "frères aînés", qui continuent à décimer de par la terre,
pour se joindre à eux dans la brutale cruauté, puisqu'il vocifère disant :
"Quand à mes ennemis, ceux qui n'ont pas voulu que je règne sur eux, amenez-les
ici, et égorgez-les en ma présence" (Luc 19 : 27) !